Réponse à la question posée par Clément, le 4 novembre, à propos du « financement occulte des syndicats. »

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Cher collègue, tout d’abord je tiens, d‘une part, à m’excuser pour cette réponse tardive malgré mon engagement préalable, et d’autre part, à préciser que je te réponds en mon nom propre. Par conséquent elle n’engage aucunement le CGT-E le CGT-E. Par ailleurs avant de te livrer ma réponse, je tiens à faire ce rappel liminaire : je le dis sans crainte d’être désavoué par mes camarades, le CGT-E dénonce la campagne médiatique sur le financement occulte des syndicats car elle n’est pas dénuée d’arrière-pensée politique en cette période de grandes réformes contre le monde du travail. Pour ma part, syndicaliste depuis prés de 30 ans, je ne pouvais rester silencieux sur cette opération qui tente de jeter l’opprobre sur les syndicats, plus particulièrement sur les militants de base qui, sur leur lieu de travail, dans les entreprises, ne ménagent ni leur temps, ni leurs vies professionnelle et familiale pour défendre les intérêts immédiats des travailleurs, les éclairer contre le système social dominant qui exploite leur travail aux profits d’une minorité de nantis. Nombre de ces militants font l’objet de discriminations en tout genre. Beaucoup sont licenciés à cause de leur engagement et de leur honnêteté. Ma solidarité et celle du CGT-E leur sont entièrement acquises. Je précise enfin que de nombreux syndicats, leurs dirigeants et leurs militants, sont très éloignés de ces pratiques indignes. Nombre d’entre eux se battent pour gagner leur représentativité malgré l’opposition du patronat et de l’ensemble de ses laudateurs.
 
Cependant, les faits étant là, il ne sert à rien de jouer les vierges effarouchées comme le font certains dirigeants syndicaux. Il est de notoriété publique qu’aucune organisation bénéficiant de la présomption de représentativité (ainsi que les syndicats jaunes) ne peut vivre avec les seules cotisations de leurs adhérents dont le nombre se rétrécie comme une peau de chagrin. Depuis leur création, certaines d’entre elles bénéficieraient de dessous de table. D’autres ont renoncé à leur indépendance syndicale après avoir abandonné le syndicalisme de lutte de classe au profit du syndicalisme d’accompagnement, intégré au système social dominant, comme en atteste l’attitude plus que douteuse de leurs dirigeants vis-à-vis de la lutte des travailleurs pour la défense des salaires et du pouvoir d’achat, du régime de retraite par répartition et le retour au 37,5 annuités pour tous, du droit de grève, etc.
 
« Du liquide pour lubrifier les rapports » (Libération du 31/10/07)
 
Il est évident que tout financement occulte favorise la corruption. On voit mal le patronat faire dans la « générosité » en versant des dessous de table sans contrepartie. De la bouche même de son ex-président, le syndicat patronal de la métallurgie (UIMM) l’a d’ailleurs reconnu : par ce biais, il a su acheter la « paix sociale » et « fluidifier le dialogue social ». En clair,la contrepartie de cette générosité est la signature, entre autres, d’accords favorables au patronat et l’évitement de tout conflit social…
 
Ainsi, comme pour le dopage des sportifs de haut niveau, apparaissent (enfin !) les premiers signes de l’existence d’un système (nauséabond) de corruption à grande échelle dans le monde du syndicalisme institutionnel, patronal et salarié. Et quoi que puissent claironner les états-majors syndicaux, les masques finiront par tomber car, petit à petit, les langues se délient au sujet des relations plutôt troubles entre le patronat et une certaine aristocratie syndicale… Il est à craindre cependant que plus les salariés se révoltent contre les réformes du gouvernement et plus les médias approfondiront ce sujet, non dans le sens souhaité par les salariés mais pour faire pression sur les états-majors syndicaux qui leur sont de ce fait inféodés, pour q’ils freinent les luttes à venir. Mais les travailleurs sauront faire la part des choses.
 
L’absence de démocratie syndicale favorise la corruption
 
Bien sûr, on ne peut évoquer ce système de dessous de table, voire de corruption, sans évoquer la question de l’absence de démocratie syndicale dont les causes objectives,  (principales) sont liées à l’abandon des orientations portées par le syndicalisme de lutte de classe et de masse, indépendant du patronat, du pouvoir public et des organisations politiques. Un syndicalisme qui s’est assigné comme objectif stratégique la transformation de la société par la socialisation des grands moyens de production et d’échange et la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme.
 
Ainsi donc, dans son aspect le plus visible, le syndicalisme d’accompagnement et de complaisance (véritable rouage des directions d’entreprise) est marqué par une forte hiérarchisation des responsabilités. Désormais, il calque son système d’organisation interne sur celui de l’entreprise. Les relations entre les responsables nationaux (les permanents) et les délégués syndicaux de terrain, voire les militants de base, sont maintenant fondées sur des rapports de subordination. Le management (eh oui !) est assuré par des responsables choisis parmi les « candidats » les plus indigents culturellement et politiquement. Beaucoup sont recrutés dans de petits syndicats… et le plus souvent, leurs salaires d’origine n’étaient guère supérieurs au SMIC. Leur propulsion fulgurante aux postes de permanents nationaux selon des critères très éloignés de la démocratie syndicale, se traduit par le doublement (ou presque) de leurs rémunérations à laquelle se rajoutent la mise à disposition pour certains, de logements et de véhicules de fonction (nous en sommes là !) le remboursement régulier de frais divers et variés… des privilèges au service d’une meilleure domestication. Ainsi, le confort et la sécurité du poste, leur procurent un ascendant sur les militants de terrain. Un ascendant qu’ils finissent par convertir en pouvoir derrière lequel ils s’abritent pour protéger leur rente de situation. Dans les faits, ces permanents là se dotent de pouvoirs spéciaux (unilatéralisme et autoritarisme) pour sanctionner tous les délégués qui leur sont réfractaires. La sanction à la mode est le retrait unilatéral (sans consultation des militants et encore mois des adhérents) du mandat syndical… une décision immédiatement portée à la connaissance de l’entreprise comme une pression psychologique supplémentaire sur le militant déchu.
 
Selon ce qui se dit et ce qui s’écrit désormais, le financement occulte (voire la corruption) directe des différentes instances syndicales nationales ou départementales, se fait par plusieurs biais :  
1- L’argent liquide versé de main à main comme cela se pratique, semble-t-il à l’IUMM,
2- La publicité dans les revues syndicales (selon le quotidien Le Parisien du 11 novembre, en mars 2001, le Groupe Véolia aurait payé 120 000 € pour une page de publicité dans un journal de la CGT. Soit plus de dix fois le prix du marché)  
3- La mise à disposition de personnes et l’octroi de crédits d’heures au bénéfice des confédérations, des fédérations, des unions départementales, voire des unions locales.
4- Les emplois fictifs
 
Dans les entreprises, la mise au pas des délégués se fait par le biais des sinécures (planques professionnelles avec dispense d’activité tacite), de l’octroi d’un statut privilégié (informel) de l’élu et du mandaté, des flatteries, des versements de primes diverses, des promotions pour « service rendu » et dans de nombre cas par l’encouragement tacite à utiliser les budgets des CE, notamment le budget de fonctionnement, à des fins personnelles (remboursement de frais kilométriques toujours exagérés, des frais de bouches…)
 
Plus près de nous, au regard de ces révélations qui ne sont pas une surprise pour moi, je continue à m’interroger sur qui finance les procédures judiciaires (23 en deux ans) que la direction de la  Fédération CGT des Salariés de la Construction (FNSC) à laquelle sont affiliées les sections syndicales CGT Dalkia a engagé en concert avec la direction de Dalkia pour non seulement contrer la représentativité du CGT-E mais aussi pour criminaliser l’action de ses militants ? Est-ce par le truchement de la publicité sur les mérites de Veolia et de Dalkia qui ornent les revues insipides de cette Fédération où est-ce par d’autres circuits occultes ? L’avenir nous le dira sans aucun doute car les langues se délient et se délieront de plus en plus.
 
Mais quoi qu’il en soit, les 650 millions d’euros de la caisse noire de l’IUMM auxquels se rajoute le milliard d’euro dérobé par le Medef à la médecine du travail (d’autres révélations sont à attendre) et les sommes versées (sous une forme ou sous une autre) aux responsables syndicaux nationaux, aux élus et aux délégués véreux sont pris à ne pas douter, non sur les dividendes versés aux gros actionnaires ou sur les primes perçues par les cadres dirigeants, mais sur les masses salariales des entreprises. Cet argent ainsi détourné prive les salariés d’une partie du fruit de leur travail. Ce système est d’autant plus abjecte que de ce fait, se sont les salariés qui financent, à leur corps défendant, cette corruption…
 
C’est pourquoi, il me semble important d’insister sur le fait qu’en cette période fortement marquée par une réelle recrudescence des luttes contre les réformes du gouvernement et du Medef, les salariés ont tout intérêt à investir massivement les syndicats afin de bouter hors de leurs murs tous les corrompus avérés, et d’extraire de leur influence les délégués et les militants intègres et dévoués à leur cause. 
 
AB – militant du CGT-E      

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